Dans « Le livre Tibétain de la vie et de la mort », le très controversé Sogyal Rinpotché raconte une histoire qui illustre bien notre propos d’aujourd’hui. Il y raconte l’histoire d’une grenouille qui vivait dans un puits. Un jour, elle reçut la visite de sa cousine, qui vivait près de l’océan.  Sa cousine lui racontait combien l’océan était immense. Et la grenouille du puits disait « ça a l’air génial !  C’est grand comment ?  Un quart de mon puits ?  La moitié de mon puits ? »…  La cousine finit par convaincre notre petite grenouille de sortir de là et de venir voir avec elle.  Et quand elle vit l’océan, l’histoire raconte que sa tête explosa.

Dans cette histoire, le mental ordinaire (que les Tibétains appellent « sem ») est représenté par le puits.  Et le reste de notre esprit (que les Tibétains appellent « rigpa », que les traditions occidentales pourraient appeler l’inconscient, si on tire un peu les cheveux aux idées) est l’océan. Sortir de son puits, ici, c’est sortir du mental ordinaire pour entrer dans une conscience plus vaste. Se connecter à « autre chose », qu’on peut désigner comme mystique, spirituel, divin, ou plus simplement envisager comme faisant partie intégrante de la biologie de notre cerveau et de notre corps.

Peu importe le choix ontologique qu’on pose, dans ce débat, un fait demeure, et il est de mieux en mieux documenté par les neuro-sciences : l’immense majorité des informations qui sont traitées par notre cerveau le sont de manière totalement inconsciente. Et de fait, notre cerveau agit comme un immense filtre, et comme une véritable salle de cinéma qui trie les informations « pertinentes » des autres, fait son propre montage, ajoute deux ou trois effets spéciaux, tinte tout ça de sentiments et d’émotions, et projette ce qui reste sur l’écran de notre conscience. Dans les faits, nous n’avons jamais accès au monde réel. Nous sommes plongés dans une réalité virtuelle que notre cerveau fabrique pour nous, et pour nous permettre de survivre et de fonctionner dans le monde bien réel qui nous entoure. Et tout le reste, en temps normal, nous échappe.

Pourtant, dans cette immensité qui est en nous, des millions et des millions d’informations sont traitées à chaque minute. Et la puissance de traitement d’information de notre « inconscient », ou de notre conscience, est infiniment plus grande que celle de notre mental ordinaire, conscient, linéaire. De croire que notre intelligence réelle réside dans la pensée consciente revient à penser que le puits et aussi grand que l’océan. Et la puissance créatrice, novatrice, vraiment innovante qui réside en nous vient bien de là. D’imaginer qu’un Nicolas Tesla, qu’un Léonard de Vinci, qu’un Albert Einstein ont trouvé leurs meilleurs idées en y pensant consciemment est une erreur. Les vraies génies, les gens qui changent le monde en profondeur ne sont pas des penseurs. Ce sont des rêveurs. Ce sont des gens qui ont la capacité — innée ou acquise — de laisser percoler l’immensité de l’océan dans leur puits.

De nombreuses traditions spirituelles cherchent à nous donner accès à cette conscience plus large qui siège en nous. Qu’elles viennent d’orient ou d’occident, qu’on parle de transe chamanique ou d’hypnose, qu’on fasse appel à la méditation ou aux psychotropes, toutes ont pour effet de nous relier à une conscience et à une intelligence plus vaste.  Et toutes ont pour effet de nous relier aux autres d’une manière plus ouverte, plus large, plus empathique : en s’affranchissant petit à petit de l’illusion fabriquée de notre « moi », en quittant les calculs étroits et linéaires du mental, on accède à un mode d’existence plus vaste. 

Les méthodes, pour arriver à se reconnecter à cette profonde intelligence qui se cache en nous, sont nombreuses.  Certaines sont rapides et intenses, et de fait parfois risquées. D’autres sont plus douces, plus sûres, mais beaucoup plus lentes. Mais toutes nous donnent accès, à terme, à : 

  • une sensation de porosité, voire de dissolution de l’égo : la désactivation totale ou partielle du cortex pré-frontal a pour effet de concentrer l’énergie ailleurs que sur la fabrication et le maintien d’une identité individuelle, ce qui libère des ressources pour autre chose ;
  • une sensation d’unité avec notre environnement, voire avec « tout » (et donc aussi avec les autres) ;
  • un mode de pensée beaucoup plus intégratif, et beaucoup plus « parallèle » : en ouvrant la conscience à des réseaux neuronaux très décentralisés, les états de conscience permis par la méditation ou la transe ouvrent la voie à un type de résolution de problème très créatif, sortant du cadre, et donc très innovant ;
  • des distorsions temporelles (typiquement, le temps semblent s’écouler au ralenti) ;
  • un traitement des informations qui semble fluide, quasiment instantané, multi-dimensionnel, intuitif ;
  • une joie profonde, qui semble évidente ;
  • etc.

Cet état de « grâce », qui peut être plus ou moins intense, lorsqu’il est touché du doigt une fois, colore la vie des personnes qui en font l’expérience de manière durable.  Et leurs capacités.  Capacités d’empathie, de coopération, d’innovation, mais aussi leur capacité à ne pas s’enfermer dans des situations nocives, à trouver des solutions, et à ressentir de la joie.  Les personnes qui ont touché à ces états sont en moyenne plus créatifs, intelligents, joyeux, innovants, empathiques, et mieux capables de s’adapter au changement.

Inutile, maintenant, d’aller consommer des psychotropes en Amazonie pour toucher ces états. Des méthodes simples, légales, sans risque et efficaces existent ici, et sont accessibles à tous. 

Elles feront l’objet d’un prochain article.